20 mars 2020 :
"les dilections du passé qui donnent goût à la vie"
20 avril 2020 : "2000 ans de Christianisme : une religion dépassée ?" 20 mai 2020 : "l'inconnue, à l'épreuve du coronavirus" 20 juin 2020 : "'Là où on ne peut pas aller plus loin' : les mégalithes" 20 juillet 2020 : "parier dans l'inconnue" 20 août 2020 : "une génération après l'autre, les vies humaines et leur éternité" 20 septembre 2020 : "l'altérité des autres pour moi" 20 octobre 2020 : "l'altérité des autres pour moi" 20 novembre 2020 : ma sculpture ! une sensibilité singulière à la lumière
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Rosace ext. ND de Paris L'Europe des cathédrales |
« Lorsque dans la nuit de ma chambre d’enfant, je rêvais sur les grains de poussière qui entraient, graines de lumière, dans le rayon invisible du soleil filtré par l’entrebâillement du volet. Lorsque j’apprenais les mariages et contrastes d’ombre et de lumière dans les claires masses rocheuses de Provence et la houle sombre de ses bois sous le vent. Lorsque je goûtais du soleil d’hiver sa douceur des premiers jours du monde. C’étaient bien les beautés du corps par la magie de la lumière qui les flatte en y prenant ses ombres et ses éclats. Les corps qui révèlent la lumière. Le toucher des corps qui révèle leur douceur. Et le secret de la sculpture qui est d’entreprendre la matière pour son heureuse venue au jour, son heureuse venue aux mains – venue au monde. »
*
Écrit au début de ce site (en 1987), ce résumé de ma sensibilité singulière
à la lumière mérite quelques explications, quelques comparaisons.
Spécialement avec les enjeux de la lumière qu’illustre ici le vitrail de la
grande rosace de Notre Dame de Paris.
Je rapprocherais cette fascination d’époque pour un Dieu-Lumière, de ce que Dante exprime dans sa montée au Paradis dans sa Divine Comédie (écrite quelques années plus tard, vers 1304). Mais ici, avec son aimée Béatrice, son ascension progressive est une montée de plus en plus heureuse dans l’ ’Empyrée’ – dans un enflammement de plus en plus brûlant. Et surtout, grande différence avec Suger et les ‘moines’ de l’art gothique (‘monos’ voulant dire ‘seul’), ici, avec Dante c’est d’un amour d’un homme et d’une femme qu’il s’agit dans leur montée à l’Infini : ici, selon les mots de Jacqueline Risset, ‘l e voyageur ne perçoit son propre déplacement qu’à travers l’accroissement progressif de la beauté de Béatrice et de l’intensité lumineuse de ce qu’il voit’ . (NB. Évidemment, nous voilà à l’opposé de la vision ‘dantesque’, ‘infernale’ que le 19ème siècle a retenu de cette œuvre, cette ‘Divine Comédie’ commandée à Rodin, et qu’il se permit de ramener à sa ‘Porte de l’Enfer’). *
Un siècle plus tard, en 1980, me voilà sculpteur, cherchant une éloquence
qui s’accorde à mon époque devenue séculière (mais tout autrement que
Rodin). L’œuvre de pierre qu’il me revenait de réaliser avec mes marbres
(et par la suite mes bronzes), ne pouvait pas être indifférente au modèle
admirable des grandes œuvres de pierre gothiques, même s’il n’était plus
question d’entretenir ‘la grande illusion’ d’autrefois - celle
d’atteindre une éloquence de lumière qui dise Dieu et le prie. Non, si je
reviens à mes premiers mots : tel l’enfant dans sa nuit, tout étonné de
voir les grains de poussière qui entraient dans la clarté du rayon du
soleil, et tel l’enfant s’émerveillant des jeux d’ombre et de lumière dans
les masses rocheuses et végétales de sa Provence, c’est ainsi que plus
tard, sculpteur, aux prises avec ses blocs de marbre sauvage tirés du
torrent, il en venait à se laisser séduire par les heureuses montées
progressives de formes taillées dans le marbre – se laisser séduire ainsi
par leurs heureuses empreintes de lumière –
’par la magie de la lumière qui les flatte en y prenant ses ombres et
ses éclats’
. Si bien que, pour cet enfant, toujours partie-prenante de sa sculpture,
avec cette venue aux mains, n’était-ce pas d’une ‘venue au monde’
qu’il s’agissait ?
*
Depuis ces matins d'été où je les sortais vives des eaux du torrent, du
lit de ses rives, où je les dégageais patiemment de leur sable et leur
terre, où s'amorçait l'échange, l'abondance entre mes mains, où je
commençais à les deviner et me laisser séduire, les replongeant dans
l'eau pour les voir venir.
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