20 février 2020 :
"L'amour, notre seul partage"
20 mars 2020 : "les dilections du passé qui donnent goût à la vie" 20 avril 2020 : "2000 ans de Christianisme : une religion dépassée ?" 20 mai 2020 : "l'inconnue, à l'épreuve du coronavirus" 20 juin 2020 : 'Là où on ne peut pas aller plus loin' : les mégalithes"
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toi et moi, marbre 2006 h19cm ce marbre, précieux entre tous, m'a été volé à l'atelier à l'automne 2015 une récompense reviendra à qui me le rendra |
Les mégalithes d’Europe, érigés entre 4500 et 2500 av.JC (donc bien avant
les Celtes), bordent l’Atlantique depuis l’Ecosse, l’Angleterre, la
Bretagne et l’ouest de la France, l’Espagne, jusqu’au Maghreb en bord de
Méditerranée – ces ouvrages résultent donc, sauf au Maghreb, des grandes
migrations des peuples de la préhistoire, venus d’Afrique et ayant peuplé
et traversé l’Europe, jusqu’à venir finir sur l’océan.
D’où cette conclusion étonnante dans le Numéro du Point sur ‘L’odyssée de Sapiens’ (décembre 2019) : « Les mégalithes sont érigés tout au long de l’Atlantique, justement là où on ne peut pas aller plus loin »
J’essaie de comprendre. Parmi ces mégalithes, il y a des menhirs, dont les
célèbres alignements de Carnac, et il y a surtout lesdolmens du genre
‘maisons des morts’, couvertes d’une pierre horizontale
(Stonehenge, la Roche aux fées…), et le plus souvent protégées dans un
tumulus, un amas de pierre et de terre (Gavrinis).
* C’est ainsi que me reviennent les mots de Saint-Exupéry, parlant de ses nomades ‘qui cherchent la mer au pas lent de leur caravane, et qui ont besoin de la mer. Et qui, lorsqu’ils arrivent sur le promontoire et dominent cette étendue pleine de silence et d’épaisseur… respirent l’âcreté du sel et s’émerveillent d’un spectacle qui ne leur sert à rien dans l’instant, car on ne saisit pas la mer. Mais ils sont lavés dans leur cœur de l’esclavage des petites choses… Alors ils prennent des provisions d’étendue et rapportent chez eux la béatitude qu’ils y ont trouvée. Et la maison est changée de ce qu’ii existe quelque part la plaine au lever du jour et la mer. Car tout s’ouvre sur plus vaste que soi. Tout devient chemin, route et fenêtre sur autre chose que soi-même » (Citadelle XIX) * Et comment alors ne pas songer à Moïse, au vieillard Moïse, qui arrivé au bout de son Exode au désert, à bout de ses forces et au seuil de sa mort – Moïse qui, de sa montagne, ne peut que contempler la ‘Terre promise’ sans plus avoir la force d’y entrer, et laissant donc à Josué la charge d’y conduire son peuple (les ‘hébreux’ - littéralement : les ‘migrants’ – depuis leur père Abraham, le grand nomade), pour entrer et conquérir cette ‘Terre promise’ – c’est-à-dire (concrètement, depuis 3000 ans) s’installer, se sédentariser – leur ‘néolithisme’. Et je songe alors à cette tension qui n’a cessé de poursuivre le peuple d’Israël par la voix de ses prophètes jusqu’à Jésus (que n’en est-il aujourd’hui ?), lui rappelant que ses jours bénis ayant fondé sa Loi au Sinaï et sa véritable identité (hébreux=migrant) étaient bel et bien lors de son Exode au désert, son nomadisme – tels ces mots de Yahvé à Israël par son prophète Osée : « C’est pourquoi je vais la séduire et la conduire au désert, et parler à son cœur… Là elle répondra comme aux jours de sa jeunesse, comme au temps où elle monta du pays d’Egypte » (Os 2,16). Et Jésus de même, disant de lui : « Le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête » (Mt 8,20) * J’ose ajouter : de même que ce sont des millions d’années d’habitudes qui ont invétéré en nous notre nomadisme, de même, je serais enclin à penser que, serait-il tard venu, c’est le ‘lourd’, le démesurément ‘lourd’ du mégalithisme de nos ancêtres venu en réponse à ‘là où on ne peut pas aller plus loin’ – leurs chefs d’œuvre de réalisme de la mort - les Stonehenge et Roche aux fées, les Mausolées, les Pyramides et les Cathédrales, ND de Paris….. – c’est grâce à ce ‘lourd’, à ce mégalithisme que nous sommes empreints de gravité à la pensée de notre finitude, de notre mort. Et comment ne pas y joindre et y faire concourir les Picasso de la Préhistoire, avec Chauvet, Lascaux, Brassempouy… avec la question qui nous hante : depuis quand peignent-ils sur les parois des grottes et pourquoi ont-ils commencé à sculpter des objets – dont ces femmes séduisantes de beauté ? *
Et pourtant ? Et pourtant, on voit bien, avec ces mégalithes, la
contradiction des humains : de ces éternels migrants ‘ne pouvant aller plus loin’,
et qui, au lieu de prendre alors quelque légèreté d’aspiration d’infini et d’envol,
ont besoin de ‘faire du lourd’, du très lourd en monuments mémoriaux – comme
autant de ‘tour de Babel’ pour ‘atteindre le ciel’.
*
Comment tout cela ne résonnerait-il pas en moi d’une sagesse à vivre qui me
gagne sereinement sur la fin de mes jours ? Car de ma vie il y eut les
jours d’activité et de force de l’âge, les jours d’avancées et de projets,
les jours de traversées de risques et d’épreuves, et voilà qu’avec l’âge,
mes pas se font plus lents et courts, que mes projets s’amenuisent et que,
par fatigue, se réduisent de plus en plus les distances de mes déplacements
et de mon petit univers de relations (1), sauf l’amplitude croissante de
mes proches disparus qui m’habitent de leurs présences aimantes au
recueillement de mon souvenir.
(1) De telle sorte que me laissent songeur et sans aucune envie, tous ceux qui, arrivés dans leur vieillesse, leur retraite, leur inactivité, leur oisiveté… s’empressent de meubler celle-ci en se payant des voyages – n’ayant qu’à s’occuper par des succédanés de marches, et des ‘par défaut’ d’avancer, autrement dit des migrations à bon compte (serait-ce à contre-courant des vrais migrants) – tel le luxe moderne du tourisme qui se généralise aujourd’hui, véritable cancer, et telle la foule des déplacements en bagnoles qui, elles-aussi véritable cancer, nous envahissent. |