|
(écrit à l’automne 2019, avant la pandémie)
Les 2000 ans de civilisation chrétienne sont venus après les 1000 ans de la
religion de Moïse (de la Loi et des Prophètes bibliques), laquelle au début
de notre ère, avait atteint un achèvement, un accomplissement, un
dépassement… : une fin annoncée par Jean Baptiste, puis par Jésus, et
poursuivie par Paul et par Jean – cette fin bientôt sanctionnée par le sac
de Jérusalem et la chute du Temple en 70, suivie en 135, par la dispersion
complète des Juifs jusqu’à leur ‘retour’ au 20ème sc.
|
Signe en ce sens : au début de l’évangile de Luc (2,29), les mots du
vieillard Syméon ‘qui attendait la Consolation d’Israël’ : monté
au Temple où l’enfant Jésus était ‘présenté’, il le prit dans ses bras et
dit :
« Maintenant ô Maître, tu peux, selon ta parole, laisser ton serviteur
s’en aller en paix ; car mes yeux ont vu ton salut que tu as préparé à
la face de tous les peuples, lumière pour éclairer les nations et
gloire de ton peuple Israël »
. Parlait-il de sa propre mort prochaine, ou bien, écrit par Luc vers 80, n’était-ce pas plutôt la fin de son peuple ?
Au terme de sa longue histoire ayant ‘préparé’ la venue de cette ‘lumière’, de ce ‘salut’ pour tous les peuples – soit
l’ouverture à l’universel depuis Israël, lequel, par là-même, va
‘s’éteindre’ – son accomplissement, sa gloire – telle la semence qui va
s’enfouir en terre.
|
Il y a 2000 ans, il y avait alors chez les Juifs de Palestine une tension
extrême de ‘fin de monde’, d’accomplissement final, ‘ d’attente messianique’, d’un ‘Règne de Dieu tout proche’
– c’est ainsi qu’on s’explique la faveur des annonces de‘résurrection’ - et cela même dans une ouverture à l’universel qui ne pouvait que faire éclater la ‘souche’
d’Israël, son ‘germe’, son étroit nationalisme religieux (le Temple et ses
sacrifices, la circoncision, les sabbats, la pureté alimentaire et des
relations…)
Cette attente fanatique de l’accomplissement messianique devait être, à
l’époque, exaspérée par l’occupation romaine, avec les révoltes qu’elle
suscitait (de même qu’un siècle auparavant du temps du régime grec)… et
cela jusqu’à la révolte de 70 qui aboutit au sac de Jérusalem – rééditée en
135 avec une destruction et dispersion définitive – de véritables Shoahs.
C’est cette même ferveur d’attente messianique qui animait et qui explique
la communauté monastique de Qumran (entre -200 et 70 de notre ère :
découverte depuis 1947, avec ses fameux ‘manuscrits’, une communauté
religieuse d’hommes se consacrant entièrement à Dieu dans l’attente de
l’Avènement imminent de son Messie – premier modèle de célibat religieux –
‘d’abstinence de la femme’ dira Paul pour lui-même (I Cor 7).
Et c’est à proximité de Qumran, en contrebas sur le Jourdain, que
Jean-Baptiste, ‘le plus grand des prophètes’ vint tancer le peuple
d’Israël :
« proclamant un baptême de repentir pour la rémission des péchés :
‘Préparez le chemin du Seigneur… et toute chair verra le salut de
Dieu’… Et d’avertir ‘tout le peuple dans l’attente : n’allez pas dire
‘Nous avons pour père Abraham’. Car Dieu peut, des pierres que voici,
faire surgir des enfants à Abraham…
» (Luc 3,4-9). C’était donc dire la fin de ce privilège – et par là
l’ouverture à l’universel : ces ‘pierres’ qui allaient ‘surgir’.
Survient alors Jésus, dernier prophète, baptisé par Jean. Ce Jésus de
Nazareth, c’est-à-dire de cette Galilée qui est l’ouverture d’Israël sur
des terres étrangères, sur les ‘Nations’ – d’ailleurs les
itinéraires de Jésus ouvrent sans cesse de Jérusalem à ces terres
lointaines – sans cesse donnant l’élan et élargissant le dévolu de Dieu,
tel son échange avec une femme samaritaine à son puits, pour lui demander à
boire, puis pour lui dire - elle qui s’enquiert où il faut adorer Dieu, à
son temple samaritain (hérétique) ou à Jérusalem :
‘Crois-moi, femme, l’heure vient où ce n’est ni sur cette montage ni à
Jérusalem que vous adorerez le Père… L’heure vient, et nous y sommes,
où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité…’
(Jn 4,20-24). Et dire qu’il a fallu 2000 ans d’attente pour que ‘cette heure vienne’, cet au-delà de la religion chrétienne qui ne
fit qu’abonder de ‘temples’, d’églises…. Ayant oublié l’autre
recommandation de Jésus :
« Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi
la porte, et prie ton Père qui est là dans le secret »
(Mat 6,6). Car c’était aussi oublier le modèle de Jésus lui-même, qui ne
prie jamais en foule, jamais au Temple, mais préférant se retirer seul en
campagne, dans la nuit ou à l’aube (1).
*
S’il y eut achèvement et accomplissement de la Religion de la Loi de Moïse,
c’est au double sens de la maturation et de l’accès au plein sens de ce que
la Loi préfigurait, rendant ainsi caduques les formes religieuses
précédentes.
1. D’abord le Temple de Jérusalem :
celui-ci n’étant plus compatible avec la perfection de la prière ‘en esprit et vérité’, et en toute discrétion, chacun se
recueillant en son aparté, dans son cœur à cœur intime avec son Dieu.
Discrédit aussi, en ce Temple, des rites de sacrifices. Jésus commençant
son ‘ministère’ en chassant les vendeurs du Temple – ceux qui fournissaient
le bétail pour les sacrifices. Et surtout, cette remarque reprise par deux
fois : ‘Si vous aviez compris le sens de cette parole (de Dieu par
le prophète Osée) : ‘C’est l’amour que je demande et non les sacrifices’ (Mat
9,13, répété en 12,7).
2. Autre ‘pilier’ de cette religion biblique : le respect du repos du Sabbat , ce dont Jésus
s’affranchit et en affranchit ses disciples – et cela, plusieurs fois, par
provocation – sachant, dit-il, que
« le sabbat est fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat » (Mc
2,27).
3. Autre trait caractéristique de la religion mosaïque dont Jésus
s’affranchit : la pureté des relations –
la non-compromission dans des relations avec des païens, des impurs. On
vient de le voir avec l’audace de Jésus demandant à boire à une
Samaritaine. Pire lorsqu’il se laisse toucher et caresser par une
prostituée, alors qu’il est reçu dans un repas. Ce point sensible sera
l’occasion de dissensions entre les premiers apôtres partant évangéliser en
terres étrangères, donc mangeant avec des étrangers, jusqu’à ce que tout se
libère. Telle la visite de Pierre chez le centurion à Césarée, et disant :
‘Vous savez, il est absolument interdit à un Juif de frayer avec un
étranger ou d’entrer chez lui. Mais Dieu vient de me montrer, à moi,
qu’il ne faut pas appeler aucun homme souillé ou impur…’
(Act 10,28).
4. Du fait de l’évangélisation des païens, cette même exigence mosaïque de
pureté va toucher les aliments, et en
particulier les viandes. Ainsi, peu après cette scène de Pierre chez le
Centurion, le décret de Jacques (le ‘pape’ de l’époque) :
‘Je juge, moi, qu’il ne faut pas tracasser ceux des païens qui se
convertissent à Dieu. Qu’on leur mande seulement de s’abstenir de ce
qui a été souillé par les idoles
(la viande de boucheries issue des sacrifices)
, des chairs étouffées et du sang’
(Act 15,20). En réalité, très bientôt à Corinthe, Paul va libéraliser plus
encore ces compromissions de pureté alimentaire – retrouvant ainsi la
sagesse de Jésus :
‘ce n’est pas ce qui entre dans la bouche de l’homme qui le souille’
(Mat 15,11), mais ce qui vient du cœur.
5. Enfin et surtout, le pilier de la religion biblique qu’est la circoncision. Là c’est Paul, l’Apôtre
des Nations, des Grecs jusqu’à Rome – c’est lui qui a osé affranchir les
nouveau ‘adeptes de la Voie chrétienne’ de cet impératif absolu (mais qui
répugnait tant aux Grecs). (J’emprunte ici une remarque de Régis Burnet.
Monde des Religions. Comprendre la Bible. Déc.2019 p.58) : C’est dans son
épitre aux Galates, que Paul répond à une difficulté redoutable : sa
communauté est située au cœur de la Turquie actuelle et n’a jamais connu le
judaïsme. Elle s’est pourtant convertie au Christianisme. Si des étrangers
au judaïsme ont pu adhérer au Christ, sans obéir à la Loi (avec des
manifestations spirituelles ratifiant que Dieu agréait cette conversion),
c’est donc que le respect des prescriptions légales n’est plus
indispensable pour être sauvé. A ceux qui suivent le Christ, Dieu a choisi
d’accorder gratuitement le don (en grec ‘la grâce’) de comparaitre devant
lui. Sans passer par l’obéissance à la Loi. Et à ceux des Juifs-chrétiens
d’Antioche qui vont lui reprocher cette mesure, Paul va répliquer avec sa
fameuse théologie de la grâce qui libère de la Loi : ‘C’est à la liberté qui vous avez été appelés’ (Gal 5,13) – soit
la base de sa prochaine épitre aux Romains : soit l’extension maximum de
l’ouverture de l’évangile à l’universel.
*
Par cet avènement et le succès d’une nouvelle voie religieuse, l’Évangile,
inspirée par le meilleur de la voie mosaïque, on serait porté à penser que
cette Religion de la Loi aurait été menacée de s’éteindre, spécialement
après la destruction du Temple en 70, suivie du sac total de Jérusalem en
135, avec une dispersion complète des Juifs de cette capitale. Mais bien
plus qu’une vigueur végétale, en matière de foi religieuse, les forces
d’inertie et de conservation sont plus grandes, et c’est en étant
marginalisé de la Voie dominante que va devenir le Christianisme, c’est en
étant persécuté, que le Judaïsme a gagné de ferveur et d’authenticité comme
sauront l’illustrer des penseurs, tel Spinoza, et tout récemment Lévinas.
Là où la conscience d’ethnicité a conforté le religieux.
N.B. On sait de nos jours l’extrême ferveur entretenue par la piété juive
au Mur des Lamentations, au pied de l’ancien Temple… dans l’espérance de
pouvoir enfin chasser le mécréant, se réapproprier l’Esplanade, détruire sa
Mosquée, rebâtir le Temple – tout cela dans la certitude qu’une fois les
sacrifices rétablis, adviendront le Messie et la Fin du monde. Décidément,
la finitude prochaine ne les lâche plus – là où je préfère penser
l’imminence du désir - et plutôt que les Lamentations, j’aime la joie de
Spinoza.
*
* *
Si j’en suis venu à penser la fin et le dépassement de la Religion
chrétienne, à la suite et par comparaison avec la ‘fin’ de la Religion de
la Loi de Moïse, c’est depuis mon vécu, c’est depuis ma jeunesse dans ma
ville d’Aix marquée d’anticléricalisme, et c’est, dès lors, d’avoir
progressivement mesuré et réfléchi l’avènement d’une sécularité massive et
profonde dans la France que j’habite, et, pour partie, dans notre Occident.
Au plus probable, à mon sens, dans cette laïcité moderne en France, il
s’est passé un abandon pour beaucoup irréversible, sans retour aux formes
(estimées) niaises des croyances d’antan, même si elles font fortune dans
les divers modes de sectes et de mouvements charismatiques. Il s’est passé
(du moins en France) une table-rase dont je dirais qu’il importe d’en
mesurer les virtualités, les espérances – les potentialités d’humanité. Ne
serait-ce que par la maturité de pensée et d’acquis de l’histoire qui
caractérise notre société, notre ‘modernité’ : qu’il suffise de rappeler,
en France, notre devise de ‘Liberté, égalité, fraternité’ issue de
notre ‘Siècle des Lumières’ et de notre Révolution Française.
(N.B. Peu avant, en 1776, aux États-Unis (selon Nicole Bacharan, dans le
Hors Série ‘L’Empire américain’ 2019 p.63), dans ce nouveau monde
s’affranchissant de la Couronne anglaise, Thomas Jefferson en écrit le
résumé avec ces mots : ‘La vie, la liberté et la recherche du bonheur’, ce qui
aboutit dans la Déclaration d’indépendance. Et treize ans plus tard, dans
la France de 1789, ce fut la déclaration des droits de l’homme et du
citoyen :
‘La liberté, la propriété, la sureté et la résistance à l’oppression’
.)
N’est-ce pas là, typiquement, une potentialité d’humanité de notre société
moderne ? On peut déplorer les méfaits de l’individualisme, mais ne faut-il
pas en souligner les bénéfices (inimaginables dans les dominantes
communautaires d’autrefois) : l’individualisation,
la libre disposition de nous-mêmes, la responsabilisation, et par là
même l’intériorisation, le recueillement
de chacun à son quant-à-soi, chacun disposant de lui-même à partir de son
‘petit feu’ de convictions personnelles, plutôt que de s’aligner sur des
prêches et des mots d’ordre communs. (Ainsi les leçons du Marxisme et des
70 ans du Communisme auront au moins servi à cette prise de conscience du
prix de la liberté).
Si les civilisations sont mortelles, si les Religions ‘font leur temps’,
elles sont d’un apport essentiel par toutes les expériences d’humanité
qu’elles nous procurent, leurs leçons de sagesse. Le meilleur de la
sécularité de notre société (avec son individualisation), tient à sa
maturation des expériences du passé – celles des religions – à commencer
par l’apprentissage de la tolérance, au vu des abus d’intolérances passées
– l’apprentissage de l’altruisme, l’empathie, la miséricorde, la tendresse,
l’amour, au vu du meilleur des siècles depuis Moïse et Jésus –
l’apprentissage du prix inestimable de ‘la vie’, dans le durée de nos
jours, sans qu’on sache ce qu’il en sera après notre mort, sinon le
recueillement du souvenir de nos proches disparus, de leur pensée, et par
là leur présence : car s’il est une éternité, une ‘résurrection’, ce n’est
que dans le présent de notre vie qu’elle saurait avoir quelque réalité et
consistance.
Je résume. Notre sécularité en France découle de la liberté et
l’individualisation de notre modernité : à la place de la foi commune
d’hier, c’est désormais chacun sa responsabilité, son petit feu de
convictions personnelles, tout emmêlé de préférences et prédilections, de
vécus et traumatismes… et ainsi c’est chacun son propre relationnel
d’affinités, de proches, aimés, parents et amis – son ‘réseau social’
personnel où se partagent ses convictions.
A la place de l’adhésion et la dépendance au ‘fond commun’ d’hier, c’est
une individualisation de la foi, c’est une personnalisation et unicité
infinie – c’est le petit feu de convictions de chacun qui est devenu un
domaine essentiel et sensible, chacun entretenant jalousement son
quant-à-soi, sa libre disposition de lui-même, ses repères – et c’est donc
là un ‘trésor’ de convictions (et de liberté de pensée) qu’on ne saurait
remettre en cause par quelque prosélytisme ou évangélisation – même s’il
appelle échanges, partages et débats, dans cette ouverture de l’individu,
de la liberté de chacun. ‘C’est à la liberté qui vous avez été appelés’.
|
Jérémie
, le tableau de Rembrandt à l’entrée de chez moi, bien en vue. Le vieux
prophète est assis, se tenant la tête de la main gauche, dans une profonde
méditation, tandis que brûle au loin Jérusalem : la Shoa de -587. Dans un
magnifique clair-obscur, la lumière du tableau s’étend en diagonale depuis
ce malheur aux pieds de Jérémie jusqu’à sa tête – sa présence de prière,
son empathie, reliée à celle de son Dieu : ‘J’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple…’ disait Yahvé à Moïse
au Buisson.
|
(1) La prière, telle que Jésus en donne
l’exemple dans ses retraits solitaires, est l’expression la plus
personnelle d’un être dont les pensées, les affects, les émois, les
lassitudes, les soucis…. lui viennent et reviennent en un recueillement aux
profondeurs infinies de lui-même, au plus intime et unique de la présence
de son dieu, avec les seuls mots qui lui parlent vraiment, par-delà les
formules communes, les formules empruntées…. Au meilleur de la Bible, c’est
l’intimité avec la Présence unique et dialoguante de Dieu.
C’est ainsi que Jésus s’est retiré 40 jours au désert après son baptême par
Jean (alors qu’il a entendu de son Dieu : ‘Celui-ci est mon fils bien-aimé’) ; c’est ainsi qu’il se retire
régulièrement à la nuit ou à l’aube pour prier seul ; et c’est ainsi qu’un
jour
« prenant avec lui Pierre, Jacques et Jean (ses plus proches) il gravit
la montagne pour y prier ; et pendant qu’il priait, l’aspect de son
visage changea, et ses vêtements devinrent d’une blancheur fulgurante ;
et voici que… Moïse et Elie s’entretenaient avec lui… »
(Lc 9,28). Jusque-là donc aucune forme de prière de demande ; c’est
seulement à la fin, dans son angoisse de la mort, qu’on le voit se rendre
avec ses disciples au Mont des oliviers, et s’éloigner d’eux, seul donc,
sans témoins, et prier de détresse. Et plus solitaire encore, ses mots de
prière lorsqu’il va mourir en croix.
Cela renvoie à la parole de Jésus invitant à prier discrètement (et non pas
en démonstration publique comme le Pharisien dans la synagogue) :
« Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi
la porte, et prie ton Père qui est là dans le secret, et ton Père, qui
voit dans le secret, te le rendra »
(Mt 6,6). (On note que cette prière discrète au secret de sa chambre, se
passe en tous lieux, et sans s’orienter vers le Temple – ce que renforce
l’invitation de Jésus à « adorer en esprit et vérité », dépassant
toute localisation). (Cf 20 du mois de février 2020)
J’ai longuement parlé de la prière sur mon site, dans mon 20 du mois de
juin 2008, intitulé ‘L’impact des psaumes’. Habituellement,
le plus souvent, on retient de la prière une forme de demande (‘je vous prie de…’) : soit donc le recours à Dieu pour telle
cause, ou telle plainte. C’est en cela que Jésus disait :
« Dans vos prières, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent
qu’en parlant beaucoup ils se feront mieux écouter. N’allez pas faire
comme eux, car votre Père sait bien ce qu’il vous faut avant que vous
lui demandiez »
(Mat 6,7). Une prière qui peut être aussi action de grâce, louange,
bénédiction, tel le ‘Magnificat’ de Marie.
Au meilleur des mots, l’attitude de prière est un recueillement, une
attention silencieuse, un vis-à-vis, une présence à présence, comme il en
est d’un échange amoureux entre deux aimants. ‘Adorer’ (en latin : ad-os), signifie ‘porter sa bouche, ses lèvres’ (entre chuchotement et
baiser). Lorsqu’un Juif se rendait à Jérusalem au Temple, c’était pour‘adorer’ – Paul disant ainsi qu’il est ‘monté à Jérusalem pour adorer’ (Act. 24,11). Bref, une prière où
s’opère une décantation de toutes sollicitations et sollicitudes, où il
n’est plus qu’attention et aveu confiant.
On peut alors comprendre la réponse de Jésus à la Samaritaine qui lui
demandait où est-ce qu’il faut ‘adorer’, à son temple
voisin ou à celui de Jérusalem (Jn 4,20) ? Ni à ce temple, ni à Jérusalem,
car Dieu est esprit, et c’est en esprit et vérité qu’on doit
l’adorer.
C’est dire la perfection de la prière serait-ce dans le brouhaha du Temple,
ou au secret de sa chambre. Telle j’imagine la présence et l’intériorité
constante de Jeanne d’Arc, qui n’avait retenu de son enfance, des quelques
bribes apprises de sa mère - Jeanne qu’on n’imagine pas les ‘rabâcher’,
mais se tenir toute attentive de la présence de Jésus, son Seigneur, dans
le silence de son amour : en adoration. Seule à seul avec lui.
|