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20 aout 2020 : "une génération après l'autre, les vies humaines et leur éternité"
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Peinture Laetitia Guillon
marbre Michel Coste
1989 h.36cm
Effluves

"Enfants de Dieu nous le sommes,
et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté" 1 Jn 3,2)
"Le réel c'est l'amour, c'est ce qui nous fait vivre" (un pauvre aveugle à Paris 1980).

    Seule compte la vie de chaque être humain, le cours de la vie de chacun. C’est ainsi que le flot d’humanités s’écoule depuis la nuit des temps – avec cette merveille extraordinaire d’autant de visages, autant d’individualités absolument uniques d’entre les milliards d’êtres humains. Comment alors ce temps de la vie de chacun (cette vie précieuse, unique) prend-elle une dimension d’éternité ? C’est là l’autre merveille d’humanité : c’est ce qui, au long de la durée des jours de chacun, s’inscrit dans le recueillement du souvenir – chaque homme, chaque femme, chaque enfant entretenant cette mémoire depuis sa naissance et au long de sa vie jusqu’à sa mort : les êtres qui l’ont aimé et qu’il a aimé, et tous les êtres en relation vraie, qui ne le lâchent plus dans son souvenir (même si pour beaucoup cela ait sombré dans l’oubli), leur présence est toujours là. Mais alors, à vrai dire, d’où sont-elles ces présences, sinon au cœur de chacun, sinon d’éternité ? (‘présence-absence’ disait Michel Onfray de sa compagne qu’il a perdue – et Jankélévitch dans ces mots inscrits sur sa tombe : ‘Celui qui a été ne peut plus désormais ne pas avoir été : ce fait mystérieux et profondément obscur d’avoir vécu est son viatique pour l’éternité’).

    Reprenons : chaque nouvelle vie humaine, absolument unique, est mise au monde et chérie par sa mère et son père, et c’est ainsi que, d’emblée, cette présence aimante des siens s’inscrit au fond de lui. C’est ainsi que, grâce à sa mémoire, tout au long de sa vie, jusqu’à sa mort, chacun va entretenir : d’une part, ses douceurs éprouvées des siens, ses vécus aimants, ses chérissements qui, assurément, lui donnent cœur à vivre ; d’autre part ses duretés à vivre, ses épreuves qui l’épurent et peuvent ainsi lui donner ouverture d’esprit et empathie, force d’âme. Tant et si bien que, douceurs et épreuves mêlées, ce sont autant de présences et de vécus forts qu’il entretient en lui, souvenus, oubliés, et pour beaucoup inconscients – autant de marques d’amour et d’épreuves de vérité qui l’accompagnent à jamais : ‘ce fait mystérieux et profondément obscur qui ne peut plus ne pas avoir été… son viatique pour l’éternité’ selon Jankélévitch.

    A ce compte, si l’éternité est ‘peuplée’ de présences d’amour, ce n’est pas l’accumulation de milliards d’’âmes’ dans quelque ‘Ciel’ depuis la nuit des temps. S’il est une ‘vie éternelle’ (les chrétiens disent ‘Vie’ ou ‘Résurrection’), ce n’est qu’au cœur de chacun : ce sont, une génération après l’autre, dans leurs ramifications au long de la vie de chacun – ce sont ces présences intimes entretenues dans le recueillement de l’heureuse mémoire de chacun et qui l’accompagnent, qui le chérissent d’amour jusqu’à sa mort. Et, qui sait ? ces présences qui l’accueilleront dans leur éternité. Là où j’avoue mon ‘pari’ pascalien : ceux qui m’ont aimé, ceux que j’ai aimé, plus que des ‘souvenirs pieux’ : d‘heureuses mémoires de vraies présences : la vie éternelle au fond de nous.

‘Le Règne de Dieu n’est pas ici ou là, il est au fond de vous’ selon Jésus (Luc 17,21).