20 juin : ma vie jusqu’à la fin
20 juillet : civilisations mortelles
20 août : promis à la vie
20 septembre : oui au don de la vie
20 octobre : le bestiaire des hommes préhistoriques
20 novembre : « créer une chose nouvelle »


20 décembre 2015 : corps-à-corps dans un monde d'images


20 janvier : lyrisme
20 février :Pigalle / Rodin : deux époques
20 mars : mes marbres et la féminité



 

 

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Voie intérieure’ : cette femme en terre à l’entrée de la Grange semble en avoir déployé de beaux jeux de courbes aux étages - de belles envolées de gratitude.

   Corps-à-corps : telle est la chance de ma sculpture, très corporelle, charnelle, sensuelle, dans un monde saturé d’images, addict et saoulé d’images. Une densité de matière contre l’aplat des images. Une prise en main contre une tenue à distance. Et par là une émotion sensible incomparable : une catharsis.
   Nous sommes entrés de façon massive dans une culture-image, dans une invasion généralisée des images, celles-ci s’imposant en doublage de la parole, en facilité de langage, en bombardement médiatique, en agressivité publicitaire… - un envahissement démultiplié avec la pratique récente des smartphones*. Dans l’histoire humaine, à un niveau mondial, il s’agit là d’un règne sans précédent du visuel artificiel qu’est l’image – un artifice renforcé par le virtuel du numérique.
   Ce matin du 3 décembre, je viens de passer un long moment sur ma terre : ‘Voie intérieure’, cette femme dont j’affine les plis et replis, les jeux de vagues, de chevelures… Outsider contre géant : j’ose penser ainsi ma sculpture dans cette invasion actuelle des images. Les créateurs d’images (dessinateur, peintre, photographe, cinéaste…) se trouvent toujours à distance de leurs œuvres, pour les réaliser avec leurs outils. Ils ne les touchent pas. Et de même les usagers de ces images tenus à distance, en extériorité. Grande différence : par ma sculpture, par mes créations de formes corporelles et sensuelles dans le marbre, la terre, le bronze…, il m’est donnée la chance de faire corps avec mon ouvrage, de l’entreprendre, de le prendre à bras le corps, de le toucher de mes mains et le caresser, de l’amener au bout de mes doigts, comme le corps de la femme aimée. Non pas du visuel aplat, une toile, un papier, un écran… mais de la matière, et une matière forte, marbres et terres, qui, une fois sculptée, entretient une illusion artistique de corps, qui exprime, imite et suggère la corporéité des êtres, qui en magnifie délibérément l’aménité et la douceur - d’où l’émotion qu’elle peut susciter, la catharsis.
   Par là-même, ma démarche ne s’embarrasse nullement du dualisme occidental – la culture s’appropriant et dominant la nature ; elle s’apparente à la démarche d’art classique en Chine, laquelle n’est qu’adhérence et quête d’unité avec la Nature. Et plus encore que le trait du Chinois au bout de son pinceau, il m’est donné, en faisant corps avec mon œuvre et lui donnant du corps, de rendre et d’exprimer tout naturellement mon altérité d’amour : la femme, les embrassements d’homme et femme – leurs corps-à-corps.
   Voilà ce qui explique mes deux thèmes de sculpture : la femme aimée et le couple. Et voilà pourquoi j’invite mes visiteurs à rejoindre ce secret en touchant, en caressant mes sculptures.


* NB La photo privilégie le seul visage (face, selfie, identité), le sculpteur préfère saisir l’allure entière du corps.