20 avril 2015 : les nouveaux 20 du mois
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20 juin : ma vie jusqu’à la fin
20 juillet : civilisations mortelles
20 août : promis à la vie


20 Septembre 2015 : oui au don de la vie


20 octobre le bestiaire des hommes préhistoriques
20 novembre : Pigalle / Rodin : deux époques
20 décembre : lyrisme



 

 

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L’interrogative
bronze 1996 h.26cm

jacob-ange-delacroix

la lutte de Jacob avec l'ange
Eugène Delacroix

    Dans les ‘20’ des mois de juin, juillet et août, j’avançais des réflexions intitulées ‘Ma vie jusqu’à la fin’, ‘Civilisations mortelles’ et ‘Promis à la vie’ – soit les dimensions de vie et de mort qui m’habitent, qui nous habitent. J’ose maintenant poursuivre ce même débat en étant passé par quelques lectures d’Albert Camus et de Michel Onfray : partageant avec eux des critiques radicales, tout en me positionnant différemment d’eux. Je m’explique.
    Pour ce qui est de la prédominance de la mort (et par là leur philosophie de l’absurde et de l’homme révolté), je me suis expliqué, dans le 20 du mois d’août, sur l’espoir que j’entretiens, malgré tout, des chances de la vie, plus fortes que les fatalités de la mort.
    Pour ce qui est de la ‘mort de Dieu’, j’aime le tableau de Delacroix sur la Lutte de Jacob avec l’Ange que Michel Onfray a mis en couverture de son ‘Traité d’athéologie’ (cf Wikipédia) : au sortir de la nuit, cet homme estimé et béni par son dieu parce qu’il s’est montré ‘fort contre lui’  - d’où son nom : ‘Israël’. Autre l’illustration que j’ai moi-même choisie pour ce propos : ma petite sculpture, l’Interrogative – foi interrogative contre affirmation d’athéisme.
    Pour l’avoir vécu à la trentaine, je rejoins la démarche de ‘déconstruction’, de critique radicale qui amène à cesser de croire en un dieu qui est construction et projection imaginaire des hommes. Ce dieu n’est pas. C’est un leurre, un mirage. Il n’est qu’invention des hommes, pour le meilleur, le moins bon et surtout le pire. Il est un objet commun entretenu à la convenance des groupes et religions. Au mieux, il peut être une invitation à ce que chacun se le réapproprie, se le repense pour soi.
    Mais une fois arrivé à cette négation radicale d’un tel dieu, de deux choses l’une : ou on en reste là, trop fier d’affirmer son athéisme, porte fermée ; ou on reconnaît qu’en vérité on est dépassé par l’inconnu, l’inaccessible, le hors d’atteinte, qu’on ne connaît pas – soit l’a-gnose de mon agnosticisme. Et voilà que se creuse, à la place de l’affirmation-nihiliste, une interrogation plus profonde encore : qu’y a-t-il d’autre que ces constructions humaines du dieu ? Et dès lors, si une autre voie s’entrouvre, elle ne saurait être qu’une adhésion absolument personnelle, intime, secrète – rien d’un dieu de référence commune, d’un dieu de religion, rien non plus d’une fierté personnelle à faire étalage.
    Deux expériences fondamentales nourrissent alors et entraînent cette interrogation profonde – cette ‘foi interrogative’. (Différence avec la ‘foi affirmative’ dans laquelle les données sont arrêtées, de même que les données de l’affirmation de l’athée). La première est le constat, la reconnaissance du don de la vie : ma propre réalité humaine, là, aujourd’hui, et depuis ma venue au monde ; l’humanité ; les profondeurs infinies du macrocosme et du microcosme (infiniment plus grandes que la perception que pouvait en avoir Pascal). D’où le dilemme : vais-je me mettre en lutte (homme révolté) contre cette prodigieuse profusion-complexité de la vie ? Ou vais-je m’accorder, autant que faire se peut, à ce don de la vie : un oui à la vie ? Auquel cas me voilà à l’orée d’une gratitude confiante qui s’avère de profondeurs infinies (sans pour autant parler de ‘dieu’ – puisque dès qu’on parle de lui ce n’est déjà plus lui).
    L’autre expérience est celle que l’on peut éprouver avec la mort : la mort réelle pour chacun de nous lorsqu’elle frappe un être très cher, très proche. Car dans cette véritable expérience de la mort, la disparition est vécue comme une absence et une présence. (Michel Onfray lui-même le dit de sa compagne qu’il a perdue depuis peu). Certains diront que cette présence est un fantasme, une illusion de présence, un simple souvenir qui ne vous lâche pas. Et pourtant ? Car en se laissant habité par cette dimension d’absence-présence des nôtres les plus chers dans la mort, n’est-ce pas déjà entretenir une transgression – une entorse au monde strictement rationnel et sans profondeur où l’athée entend en rester ? Une transgression, une ouverture béante, un horizon insoupçonné où l’expérience d’être habité par ces présences aimées disparues, résonne de dimensions infinies. Cela même que vient nourrir et amplifier l’autre expérience fondamentale : le oui au don de la vie.