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flammes d’ailes |
Flux puis reflux : longtemps ma sculpture fut de projets, en ce moment elle est de rangement, d’engrangement. Aux commencements je disais : « There is a tide in the affairs of men which taken at the flood leads on to fortune… » ; aujourd’hui, en achevant l’aménagement de mon nouvel espace de sculpture à Beaugency et en préparant le déménagement de l’atelier de Paris, ne serait-ce pas une forme de reflux qui m’est donnée, tout aussi favorable que le flux pour autant que je sache bien la vivre ? Projeter, c’est jeter devant, dehors : le geste du semeur dont le Psaume dit : « On s’en va, on s’en va en pleurant, on porte la semence. On s’en vient, on s’en vient en chantant, on rapporte les gerbes ». Non, je dirais que c’est par plaisir et en m’ouvrant que je garde souvenir de mes sculptures lors de leur création, lorsque je m’y jetais et m’y prodiguais ; tandis que je me sens plutôt à la peine, lorsqu’il me faut aujourd’hui, ramasser tout ça et le réunir correctement. Il n’y a plus l’allant et la légèreté du geste, mais une pesanteur d’alluvions – laquelle est ressentie avec la fatigue de l’âge et la proche fin de ma vie. Tel le berger qui, le soir, rentre son troupeau à sa bergerie, et dont on dit, en haute Provence, qu’il se ramasse.
Au cours de l’été dernier, en acquérant ce nouveau local et dans les premières semaines du grand chantier, j’étais vraiment en projet. Ensuite, à l’automne, est venu le lourd déménagement de la maison (logement, bibliothèque, sculpture). Aujourd’hui, l’hivers étant passé, il me faut poursuivre et mener à bonne fin cet ensemble, et préparer le déménagement et l’emménagement des quelques 300 sculptures de l’atelier de Paris ; je ne parlerais plus de projet : il y a une fatigue et une heureuse peine de devoir seulement achever ; il y a déjà le sentiment que tout ça est fait, tout ça est du passé, tandis que ma vie est à poursuivre, au jour le jour. (Savourant, avec le printemps, le retour de nouvelles créations – nouvelles terres).
Je résume : dans ‘grange’ il y a ‘grains’ (comme dans ‘grenier’) : la part de grains qui se rangent pour être consommés, et la part de semences pour être redonnées à la terre et renaître. Ma grange, la grange de la fin de mes jours : ces trois murs au cœur de Beaugency, rue de l’Oursine, ce grand volume de plain-pied et de belle hauteur, ce poutrage magnifique et l’aménagement que j’en ai tiré. C’est comme ‘grange’ qu’elle me fut proposée et vendue : ‘garage-grange’ disaient l’Agence et Internet. « Alors ils prennent des provisions d’étendue et rapportent chez eux la béatitude qu’ils y ont trouvée. Et la maison est changée de ce qu’il existe quelque part la plaine au lever du jour et la mer. Car tout s’ouvre sur plus vaste que soi. Tout devient chemin, route et fenêtre sur autre chose que soi-même. (Citadelle Saint-Exupéry XIX). |
Rappel d’invitation : les 6 et 7 juin de 11h à 19h, la dernière présentation de mon atelier à Paris 14e, au 2 rue d’Arcueil ; et les 19 et 20 septembre de 10h à 20h, l’ouverture de mon nouvel espace de sculpture à Beaugency, 12b rue de l’oursine. |