|
|
Toi, présence féminine, 0 Féminité en rêve, femmes réelles : la grande illusion* de ma sculpture se plait à imiter et suggérer ta corporéité féminine, et à en magnifier délibérément l’aménité et la douceur. La belle illusion d’une sculpture qui m’entraine ainsi à aimer, venue d’un travail d’imagination, après que le regard se soit longuement exercé au réel : sur modèles qui posent, et observant les gens, les femmes, et plus encore, démarche phénoménologique, le regard essayant de comprendre les expériences d’humanité fondamentales : comment sont les femmes. Quels rendus de sculpture vais-je donc privilégier de cette importance du féminin dans mon désir ? Vais-je faire venir des formes d’affirmation masculine, phalliques, comme tant de sculptures courantes ? Justement non, puisque ma sculpture est l’aventure de ma main au bonheur de m’adresser à toi, de t’exprimer toi, de te dire au plus heureux de toi. Là est la féminité de ma sculpture. Les œuvres de J.S.Bach sont toutes signées de sa main : SDG, Soli Deo Gloria ; mes sculptures sont signées MC, d’un trait de vie qui s’avance et monte entre deux lèvres : toi, que je suis en train de rejoindre, et par là l’Infini qui t’habite. 0 « Faisons l’homme à notre ressemblance : homme et femme il les créa ». D’emblée un duo, un dialogue, un échange, un répondant, l’engagement du langage, l’altérité radicale de l’autre, à jamais toi et moi, puisqu’il n’y a pas de moi sans toi. J’ai parlé de cette Création à la page 7 du site, en revenant à l’origine selon l’évangile de Jean : "Au commencement il y avait la Parole (autrement dit le Langage)... et ce Langage était Dieu". Dieu n’est pas Dieu parce qu’il a fait le monde, mais parce qu’il est en conversation, parce qu'il y a du langage chez lui. De fait, comment chacun de nous est-il venu au monde sinon aux confluences du langage ? L'évangéliste précise : "C'est dans le langage que se trouve la vie". La parole est dialogue, elle est échange entre celui qui parle et celui qui écoute et répond. La parole responsabilise. Elle amène la personnalisation de chacun. Elle établit sa différence, son intériorité, sa solitude, tout en franchissant cette distance, puisqu'elle est cor-respondance. 0 « Que serais-je sans toi qui vins à ma rencontre. Que serais-je sans toi qu'un cœur au bois dormant. Que cette heure arrêtée au cadran de la montre. Que serais-je sans toi que ce balbutiement. J'ai tout appris de toi sur les choses humaines. Et j'ai vu désormais le monde à ta façon. J'ai tout appris de toi comme on boit aux fontaines. Comme on lit dans le ciel les étoiles lointaines. Comme au passant qui chante, on reprend sa chanson. J'ai tout appris de toi jusqu'au sens de frisson. » Aragon Toi, présence aimée, que j’imagine prendre à bras le corps et venir dans mes mains lorsque je sculpte un bloc de marbre ou modèle une motte de terre. D’où mes interrogations : dans la forme déjà donnée du marbre et dans l’informe de la terre, quelle forme aboutie vais-je privilégier qui t’exprime - qui te soit heureuse et émouvante à regarder et toucher ?
boucles, volutes et plis Qu’est-ce qui nous touche à la venue d’une belle femme, ou à son souvenir, à son évocation ? Ses rondeurs dans la tournure de sa poitrine, son ventre, ses hanches, son allure, ses pas. La coulée de sa chevelure en boucles, ondulations et enroulements, friselis et accroche-cœur. Sa toison couvrant son intimité. Les volutes et voluptés de ses lèvres, ses regards, leurs plis d’intériorité, leurs frémissements, leurs mouillures, leurs coulées de larmes. Les rondeurs d’enfances venues d’elles. Les plis et ondulations de ses voiles, leurs bouillonnements, bruissements et murmures. La plus belle abondance de cette symbolique féminine des volutes et des plis m’est venue en élaborant ensemble les deux modèles qui m’étaient commandés : Jeanne d’Arc et l’Aigue-vive - Jeanne gagnant des audaces et profusions de l’Aigue, et celle-ci d’une juste tempérance de la Pucelle. 0 «Dans la musique de Bach, ce n’est pas le caractère de la mélodie qui émeut, c’est sa courbe » (Debussy). La plasticité de la musique de Bach est la caractéristique majeure de son génie… Si on lui ôte ce plaisir des courbes diversifié à l’infini, ce délice du méandre, l’horreur inné de la droite… on manque complètement l’aspect le plus extraordinaire de son génie. En ce sens, Beethoven est son plus glorieux opposé… : une extrême virilisation de l’art souffrant d’un manque, l’élément féminin n’y parvenant pas à maturité….» (L.A. Marcel) 0 Lorsqu’il y a dix ans je posais la question : pourquoi dans le monde animal, les mâles ont plus d’allure et parure que les femelles, à l’inverse des hommes et des femmes ? La page 12 du site est venue en réponse : « Question de posture : lorsqu'il y a quelques millions d'années, les humains se sont redressés, le sexe de la femme s'est dérobé à la vue, et progressivement les jeux de parure et de voile ont fait leur séduction - non pas tant pour le couvert de ce que la nudité humaine exhibe, que pour le port de ce que la nudité féminine recèle d'invisible. »
O, ovale, anneau & V
«...Au cœur de l'homme, solitude. Aux plaisirs et audaces de la main et des rêves, une double portée de sculpture s’est dégagée, une double symbolique de la femme. L’anneau, l’Ovale, l’O… allant de pair avec le V d’envol, d’éclat, des ailes du désir – la fente. A l’intimité cachée de la femme, un double foyer du plaisir : le clitoris et le vagin : ses ailes d’envol et ses anneaux d’étreinte ; tandis que par devant, le V du mont Vénus dit la Victoire de la Vie. (Aux origines de l’humanité, selon la Genèse, le premier étonnement de l’homme après s’être uni à la femme : èVe, ‘haVVah’, la Vivante, la mère des Vivants.) au bonheur d’aimer
maternité « We are such stuff as dreams are made on ; and our little life is rounded with a slepp » « Nous sommes de l’étoffe (la substance) dont sont faits les rêves, et notre petite vie est entourée de sommeil ». (W.Shakespeare La Tempête IV.1) « There is a divinity that shapes our ends rough-hew them how we will » « Il est une divinité qui achève (modèle) notre destin, quelque informe en soit l’ébauche (malgré le dégrossissage qu’on pourrait y faire) » (Hamlet V.2)
* Dans l’art seulement, il arrive encore qu’un homme, tourmenté par ses désirs, fasse quelque chose qui ressemble à une satisfaction ; et grâce à l’illusion artistique, ce jeu produit les mêmes effets affectifs que quelque chose de réel. C’est avec raison qu’on parle de la magie de l’art et qu’on compare l’artiste à un magicien. (Freud Totem et tabou 1913)
P.S. 18 janvier 2016 : mort de Michel Tournier - venu à la littérature à plus de 40 ans. « Ce que j’avais à dire était à la fois tellement secret et tellement essentiel que j’ai eu besoin d’une longue maturation pour publier quoi que ce soit » - de même moi, pour sculpter. |
Jeanne d'Arc à l'atelier
La reine de Saba L'aigue vive
la vie dans les plis Jeanne d'Arc 0 elle l'homme et la femme qui s'aiment l'attente |