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Femme et féminité

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Pire, en s'évertuant à régler un compte, tel Brancusi contre Rodin, les sculpteurs s'inscrivaient en faux par rapport à tout ce qui était charme, séduction et charnalité de la figure ; mais de ce fait, ils en étaient inconscients, leur partis-pris en sculpture était beaucoup plus grave de conséquence qu'en peinture, car la sculpture tire sa vertu première du rendu de la corporéité. Preuve en ce sens, dans toutes les religions et civilisations les représentations sculptées du corps ont été vénérées comme sacrées, et chez certaines d'entre elles, interdites (tel le Commandement de la Loi : 'Tu ne sculpteras pas d'image') ; tandis qu'en Chrétienté c'était l'interdit de l'attrait du sexe. On peut alors se demander, comparé à ces interdits si profondément enracinés, quelle futilité esthétique, quel intellectualisme et quelle triste prétention moderne occidentale pouvaient sous-tendre l'interdit du figuratif et celui de la séduction de beauté. De quoi ces oukases sont-ils révélateurs ? Et quels profits, quelles pertes ?


flore église Salagon
XIIe sc
statuaire Chartres
1145-1155
Marie-Madeleine
12e sc Vézelay

     3. Le troisième courant de sculpture de la femme ne donne d'elle que l'allure sévère et honorable. A l'opposé des femmes de légère vertu, prodigues de leurs charmes, c'est la tradition statuaire de femmes de noble vertu, drapées dans leur dignité : c'est le registre d'images de respect et d'hommage, d'édification et de dévotion. Telle la figure de la Reine (Néfertiti), la statue de la Déesse (Athéna), ou celle de la Victoire (Samothrace ou la Marseillaise), ou la figure allégorique de l'Institution (la République) ou celles de Vertus (la Liberté, la Paix, la Justice), et surtout, dans notre héritage culturel de chrétienté, la dominante de statues et statuettes de la Vierge Mère et des saintes ; au XXe siècle, ce sera le succès de la statuaire des Régimes fascistes (un succès qui renforcera le mot d'ordre non-figuratif).
     Sur ce registre la femme est belle, mais habituellement désexuée, ou d'une sexualité la plus neutre possible, même si telle poitrine de Marianne ou de Liberté est découverte. Souvent des femmes efféminées ou aux traits d'homme, habituellement d'âge mûr, ce sont des mères, des vierges, des veuves, des modèles de combattantes, des témoins d'héroïsme, à moins qu'elles soient là pour rendre honneur à telle Reine ou Duchesse, telle patronne ou bienfaitrice, ou afin de satisfaire leur vanité, tels les multiples bustes du XVIIIe et XIXe siècles.
     Reste toutefois le détournement possible de telle statue de culte public en statuette de plaisir privé (de la Vénus de Cnide aux multiples copies dont les Romains tiraient plaisir), ou encore l'ambivalence d'une statuaire vertueuse parce que mythologique alors qu'elle offre aussi ses tentations de charmes, sa nudité.


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